sábado, 25 de junio de 2016

Ponencia: «Caractéristiques, phases et évolution de l’après-conflit en Espagne», Pedro A. Garcia Bilbao URJC / Université de Limoges 24 juin 2016


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Journée d’étude L’APRES-CONFLIT ESPAGNOL Vendredi, 24 juin, 14 heures Salles des Actes FLSH,  / Université de Limoges.

Versión en francés

Caractéristiques, phases et évolution de l’après-conflit en Espagne  Pedro A. Garcia Bilbao URJC

Avant toute chose je souhaiterais remercier les organisateurs d’avoir choisi ce sujet pour ces rencontres. Par ailleurs je les remercie bien sûr pour leur invitation à y participer. Il s’agit là de remerciements personnels mais aussi de ceux du sociologue que je suis. La sociologie est en soi une perspective scientifique qui peut permettre la compréhension des phénomènes sociaux.

Traditionnellement l’étude des situations post-conflit étudiées a trait à des faits du présent immédiat et pour cela on se réfère à plusieurs disciplines comme c’est le cas de la psychologie, du droit, de la médecine, des relations internationales et d’une grande variété de disciplines appliquées car les situations post-conflit nécessitent en général des interventions d’aide d’urgence aux populations touchées. Dans ce cadre, la sociologie est aussi sollicitée pour apporter un éclairage supplémentaire et participer à ces efforts communs d’intervention humanitaire. Pour cela elle tente de décrire, comprendre, analyser et aider à planifier et à décider.

Cependant, lorsque nous étudions des situations de post-conflit situées dans le passé, et même dans le cas d’un passé récent, c’est l’histoire en tant que discipline qui entre en scène ne laissant pas toujours place à d’autres regards si bien que l’histoire se nourrit aujourd’hui des apports de l’anthropologie, de la sociologie, des études culturelles et de l’économie. Cette confluence avec l’histoire est particulièrement importante dans le cas de la sociologie.

De plus en plus d’historiens et de sociologues sont conscients du fait que leurs efforts sont complémentaires. Chacune des deux disciplines a besoin de l’autre. Il existe une tradition académique qui valide cette affirmation mais je ne prétends pas ici m’étendre sur le sujet. L’étude du conflit est un des grands thèmes classiques en sociologie et il existe des figures telle celle de Charles Tilly, récemment disparu, qui ont apporté un double regard d’historien et de sociologue avec succès. Tilly a étudié de manière approfondie l’histoire de France à travers divers de ses épisodes et établi des connections entre le conflit, la société et ses causes et effets pour tenter de comprendre comment fonctionnent ces phénomènes dans les sociétés humaines en général, et pas uniquement dans ces cas concrets.

Dans le cas espagnol, le politologue Rafael Cruz a beaucoup apporté à l’étude des causes de la guerre civile en Espagne et en cela apporte cet autre regard. Celui d’un spécialiste en sciences sociales non historien qui considère qu’il n’est pas possible de comprendre le présent sans au préalable connaître le passé, mais surtout, sans comprendre ce qui s’est passé antérieurement. Rafael Cruz, dans son œuvre « Au nom du peuple. Rébellion et guerre dans l’Espagne de 1936 », publiée en 2006, analyse rigoureusement les faits survenus entre février et juillet 1936, pour essayer de comprendre ce qui se passait alors et comment ces faits ont été interprétés par ceux qui les ont vécus à l’époque.

Rafael Cruz a expliqué que la société espagnole vivait, durant la deuxième république, un phénomène très peu usuel de démocratie de masses, comprise comme une démocratie républicaine vécue intensément par une population très bien vertébrée par une société civile riche dans laquelle existaient des sociétés civiles de tout genre, des partis politiques et des syndicats ; la société espagnole vivait un processus continu de modernisation accélérée, héritage du passé, et qui provoquait des tensions, sans aucun doute. La proclamation pacifique de la IIème république avait été rendue possible grâce à l’échec politique et social de la monarchie et des groupes de pouvoir sur lesquels elle s’était basée.

Ce qui est significatif dans le cas de l’Espagne, par rapport à ce qui se passait dans les autres pays européens de l’époque, c’est qu’en Espagne avait existé une importante fraction des classes moyennes urbaines avec une conscience politique démocratique et que se préparait la construction d’un état républicain moderne qui permettrait de résoudre les tensions de la modernisation démocratique, avec la loi et le droit. Les élections de février 1936 supposèrent la défaite politique de la droite antirépublicaine – il existait alors une droite républicaine- mais avant tout un échec social, même dans le camp des catholiques les plus conservateurs. Le triomphe du front populaire se basa sur la confluence du mouvement ouvrier dont la direction était réticente à l’égard de la République en 1931- et la fraction démocratique de ces classes moyennes déjà existantes avec deux objectifs principaux : celui de consolider la république en développant les institutions et les lois qui participeraient à désactiver le conflit qui pouvait la déstabiliser, et faire reculer le danger de destruction de la République par la tentation fasciste des secteurs de la droite politique. Il est important de rappeler ici le fait que dans l’Espagne de 1936, le fascisme dans sa variante espagnole n’était en aucun cas un phénomène de masses avec la capacité de défier l’état, comme ce fut le cas en Italie ou en Allemagne. Pour comprendre la nature et l’intensité de l’époque post-conflit nous devons impérativement connaître son point de départ et savoir ce qu’il s’est réellement passé. C’est sans doute difficile à comprendre de nos jours, mais l’Espagne de 1936, de même que celle de la période finale de la monarchie, était une société présentant des signes avancés de changement et de modernité culturelle et sociale notament pour ce qui concernait la condition féminine. Ces avancées furent perdues pendant la guerre et il faudrait des dizaines d’années pour les reconquérir. La guerre ne fut pas un essai de revenir à une situation antérieure à la IIème République mais un mouvement qui tendait à détruire les processus et réalisations de changements antérieurs dans le but de construire un nouvel ordre des choses. Ce fait précis explique les caractéristiques de l’époque du post-conflit espagnol.

A la bataille des faits s’ajoute le défi de la compréhension. Permettez-moi d’établir une distinction entre compréhension et interprétation des faits. L’interprétation historique peut aussi être une tentative de traduction par le public contemporain de faits du passé, en employant pour cela des termes et analogies communs propres à la culture contemporaine. Le grand danger de céder à la tentation d’interpréter le passé est le « présentisme ». Permettez-moi de vous énoncer le concept en espagnol, un regard plus idéologique que scientifique qui amènerait à expliquer le passé en fonction des intérêts du temps présent ou encore à employer le passé pour justifier idéologiquement des positions prises sur le moment. Face à ce danger, la sociologie peut venir en aide à l’histoire en apportant sa tension épistémologique, son combat contre les préjugés et la subjectivité nécessaire dans l’exercice d’un travail scientifique. La sociologie peut aider a comprendre le processus historique car ce qui la préoccupe en tant que discipline, c’est le processus social sous-jacent, les acteurs qui interviennent, les facteurs qui encadrent l’action, l’intensité, la portée, les causes et les impacts, tout cela compris comme quelque chose qui fait partie intégrante d’une séquence de plus en plus large.

Nous sommes réunis aujourd’hui, il convient de le rappeler à nouveau, pour apporter un éclairage sur le post-conflit espagnol. Il existe des informations de grand intérêt dans les échos du Limousin à propos de l’éclatement espagnol de 1936-39 et sur les séquelles des migrations et de l’exil qui conduisirent à tant d’Espagnols et de familles entières au cœur de la France. En cela il s’agit d’une tâche bien spécifique que la mienne : celle de tenter d’éclaircir les caractéristiques de ce qui s’est appelé le « post-conflit » espagnol, c’est-à-dire, le cadre structurel dans lequel eurent lieu les situations que nous allons décrire.

Pour cela permettez-moi d’essayer de poser des questions préalables. En particulier : qu’appelons-nous le conflit espagnol ? Mais aussi : quelle fut sa durée ? Il semble, dès lors, indispensable, si nous devons étudier la période post-conflit, de définir concrètement le conflit proprement dit. Nous avons défini les caractères du processus républicain entre février et juin 1936 comme une période de récupération de la République et d’une quête de sa consolidation, durant laquelle la droite antirépublicaine connut une défaite politique et sociale. Il convient de rappeler que la majeure partie de l’électorat avait voté pour des options démocratiques modérées, c’est-à-dire partisanes de résoudre le conflit dans la légalité et moyennant la construction institutionnelle d’un ordre républicain. Le fascisme était inapproprié en termes électoraux et la gauche, en sa position de militante n’envisageait pas d’actions antirépublicaines de quelque manière que ce soit, déployant ses efforts pour exercer une pression sur le gouvernement républicain concernant les mesures de contention et de résistance face aux provocations fascistes dans la rue mais aussi pour développer les plans de réforme agraire et du travail. C’est-à-dire qu’en 1936 le danger pour la droite antirépublicaine n’était pas la défaite de la République mais sa consolidation même. C’est ici qu’intervient le conflit.

Le conflit espagnol se produit à cause de la fuite vers le coup d’état militaire contre l’ordre républicain au sein d’une minorité bien située dans l’appareil militaire et dans les fractions des groupes traditionnels dominants déplacés par le pouvoir démocratique républicain. La disparité des forces militaires et la mobilisation populaire massive expliquent le déroulement des évènements mais, honnêtement, on ne peut affirmer que la guerre était inévitable. Elle ne l’était pas. Les faits sont avérés. Le coup d’état échoue sur la majeure partie du territoire mais une intervention étrangère décisive dans les premiers jours, convertit le coup d’état raté en une guerre civile.

Le projet des auteurs du coup d’état fut mené à bien militairement et dans la plus grande violence. Il s’agissait de détruire non seulement l’ordre institutionnel républicain mais surtout le tissu social démocratique, soit chacune des structures de participation sociale qui impliqueraient un appui ou une identification à l’idée démocratique, républicaine, modernisatrice ou appartenant au mouvement ouvrier.

Face à un tel danger, la société espagnole, très structurée depuis la base et dotée d’une grande conscience politique, se mobilisa en masse, dépassant le cadre républicain depuis les bases. Il convient de souligner que l’institutionnalisme républicain ne fut pas détruit mais seulement dépourvu momentanément de ses ressources face à la fracture de l’armée et des forces de sécurité et fut contrainte de réorganiser sa structure alors qu’elle livrait une guerre.

Si la guerre est un facteur clé, les objectifs de cette guerre doivent être pris en compte. La République livre une guerre en défense propre. Elle n’a pas besoin de la guerre pour mener à bien son projet de modernisation et c’est même le projet de modernisation lui-même qui a pu aider à désactiver la multitude de conflits sociaux internes.

Le conflit espagnol ne s’achève pas en 1939. En 1939 la guerre prend fin entre deux états : l’état républicain et le nouvel état d’inspiration fasciste et d’idéologie nationale catholique. Cependant le conflit se poursuit, et dès lors avec une particulière intensité car, après la défaite militaire, la population espagnole dans son ensemble est soumise à l’autorité du nouvel état.

Lorsque nous étudions actuellement les situations de post-conflit nous rencontrons habituellement ces états en échec ou qui sont passés par des conflits civils induisant un effondrement institutionnel, une violence généralisée générée par une multitude de protagonistes.

La période post-conflit est celle qui est postérieure aux affrontements d’intensité majeure et durant laquelle le danger d’un retour à la période de luttes ouvertes est réel ou durant laquelle les plaies et traumatismes de la répression, de la violence ou de l’injustice restent présents.

Dès lors, dans quelle période s’inclue le post-conflit espagnol ?

Le conflit espagnol trouve ses origines dans l’action conspiratrice et terroriste de l’hiver 1936, son étape la plus intense entre 1936 et 1939 avec la période de guerre ouverte et une étape postérieure durant laquelle le plan initial de destruction physique, morale, culturelle et symbolique de l’ennemi put être pleinement mené à bien.

En d’autres termes, la période de post-conflit espagnole est précisément une période durant laquelle la profondeur, l’amplitude et la portée du conflit est la plus intense et finira par imposer ses objectifs dans une large mesure.

Une guerre, n’importe quelle guerre, est un phénomène social d’une particulière intensité. La guerre, là où elle intervient, ne laisse aucun secteur social en marge. Il n’exista aucun espace préservé car même les arrières étaient impliqués. Les guerres ont leur propre dynamique mais les guerres idéologiques, livrées pour imposer ou défendre un modèle social ou politique ne sont qu’un étape dans un processus visant à un objectif général ; la fin de la guerre ne signifie pas forcément la paix.

Dans le conflit espagnol nous pouvons distinguer plusieurs étapes :

– Une phase militaire

– Une phase d’occupation et de résistance

– Une phase de liquidation physique de l’opposant et de destruction de son identité sociale et des mécanismes de reproduction culturelle

– Une phase de construction d’un nouvel institutionnalisme et de reconstruction du tissu social sur une nouvelle base idéologique

– Une phase de consolidation, de croissance et d’évolution sociale avec l’émergence de nouveaux conflits mais déjà sur la base du nouveau cadre social

– Une phase fluctuante de contrôle policier, de censure et de contrôle idéologique (qui s’est adapté aux défis)

– Une phase de crise de survie institutionnelle qui conduit à un processus de changement vers un nouveau modèle d’état

A cette étape de notre présentation nous devons rappeler qu’en Espagne l’expression « post-conflit » n’est pas employée pour faire référence à la période postérieure à 1939 pour la simple raison que le conflit se poursuit jusqu’en 1977-78 suivant toutes les phases précédemment énumérées. L’expression employée en Espagne pour se référer à la période postérieure à 1939 est celle de « l’après-guerre ».

Étudier le conflit espagnol exige d’étudier en détails chacune de ces étapes. Si nous considérons le conflit à travers ses différentes phases nous verrons comment il se prolonge dans le temps, jusqu’à la fin des années 70 et si nous souhaitons relater l’histoire sociale de cette période nous pourrions nous baser sur l’étude des effets de chacune de ces étapes sur la vie des personnes et sur les institutions.

Une perspective sociologique ne peut se permettre d’oublier les personnes. Lorsque, dans l’actualité, on parle de période post- conflit la plupart des efforts se concentrent sur l’impact sur les personnes et sur les communautés humaines. Cependant cette option d’analyse ne peut, bien sûr, pas oublier les différents acteurs impliqués. On distingue de façon évidente deux grands types d’acteurs : les personnels et les institutionnels, les publics et les privés.

Par acteurs personnels on entend aussi bien les personnes individuelles que les familles et les groupes sociaux.

Les acteurs institutionnels sont les états et leurs structures mais aussi les entités associatives ayant une vie propre et qui jouent un rôle politique, syndical et culturel c’est-à-dire les partis, les syndicats etc.

Nous devons reconnaître que lors de nombreuses tentatives d’approche du post-conflit espagnol davantage d’attention a été traditionnellement accordée aux grandes politiques, aux états, aux partis et aux organisations.

Mais qu’en est-il des simples personnes, des familles qui se sont vues entraînées par les processus collectifs sans pouvoir y échapper ? Je ne partage pas l’opinion de Tolstoï exprimée dans « Guerre et Paix » lorsqu’il affirme dans sa présentation qu’il n’est pas possible de relater l’histoire à travers la vie des gens du peuple. L’histoire du post-conflit est fondamentalement liée à celle de ceux qui connurent directement et vécurent ces grands processus. Ainsi, en ce mois d’avril 1931 un peuple rempli d’illusion salua l’avenir, confiant et mué par un véritable sentiment de fraternité. La catastrophe postérieure affecta très largement la vie de tous et de chacun des espagnols et influença l’avenir et même le présent. Dans l’Espagne actuelle, celle de 2016, nous tentons encore de trouver des réponses, de soulager les douleurs et d’aider les familles en quête de nouvelles de proches. Trois générations se sont succédé et la page n’est toujours pas tournée. Étant données les caractéristiques du conflit espagnol qui influença le 20ème siècle dans son ensemble et les étapes prolongées qu’il traversa, il n’est pas surprenant que l’Espagne démocratique actuelle ait encore des tâches à accomplir.

Durant ces Journées, Messieurs Naranjo, Leger et Catalan nous présentent leur travail en faveur de la connaissance mais aussi de la reconnaissance des vies des personnes et des familles que le conflit contraignit à trouver refuge en terres limousines ; il s’agit là d’un apport nécessaire et de grande valeur.

Je souhaiterais terminer cette présentation en remerciant à nouveau l’Université de Limoges. Je remercie d’une part notre amphitryon, monsieur Bertrand Westphal pour l’opportunité qu’il m’a donnée de m’adresser à vous et tout particulièrement au Docteure Rocio Gonzalez Naranjo d’avoir organisé un séminaire aussi pertinent.

Je répondrai bien entendu à toutes les questions que vous souhaiterez me poser.

Merci de votre attention.

Prof. Dr. Pedro A. Garcia Bilbao

/ versión en castellano

Pedro A. Garcia Bilbao URJC

Ante todo quisiera dar las gracias a los organizadores por haber escogido este tema para unas jornadas. Desde luego les agradezco igualmente haberme invitado. Es un agradecimiento personal, pero también desde la perpectiva de un sociólogo. La sociología es una perspectiva científica que puede aportar comprensión sobre los fenómenos sociales.

Usualmente el estudio de las situaciones post-conflicto que se estudian se refieren a hechos del presente más inmediato, y en ellas se recurre a variadas disciplinas como es el caso de la psicología, el derecho, la medicina, las relaciones internacionales, y toda una variedad de disciplinas aplicadas, pues las situaciones de post-conflicto suelen exigir intervenciones urgentes de ayuda a las poblaciones afectadas. En este ámbito, la sociología se encuentra igualmente convocada a hacer una aportación a esos esfuerzos comunes de intervenir humanitariamente y para ello busca describir, comprender, analizar, y ayudar a planificar y decidir.

Sin embargo, cuando estudiamos situaciones de post-conflicto situadas en el pasado, incluso un pasado cercano, es la historia como disciplina la que entra en escena y no siempre hay lugar para otras miradas, si bien la historia se nutre hoy de las aportaciones de la antropología, la sociología, los estudios culturales o la economía. Esta confluencia con la historia es particularmente importante en el caso de la sociología.

Cada día más, sociólogos e historiadores son conscientes de que sus esfuerzos son complementarios. Ambas disciplinas se necesitan. Hay toda una tradición académica que avala esta afirmación y no quisiera extenderme. El estudio del conflicto es uno de los grandes temas clásicos en la sociología, y hay figuras como Charles Tilly, recientemente fallecido, que han aportado la doble mirada de historiador y sociólogo con particular éxito. Tilly estudió en profundidad la historia de Francia en algunos episodios y estableció las conexiones entre conflicto, sociedad y sus causas y efectos para tratar de aprender cómo funcionan esos fenómenos en las sociedades humanas en general, y no solamente en casos concretos.

En el caso español, el politologo Rafael Cruz ha realizado una extraordinaria aportación al estudio de las causas de la guerra civil en España que responde a esa otra mirada. La del especialista en ciencias sociales no historiador que considera que no se puede entender el presente sin conocer el pasado, pero sobre todo, sin comprender qué fue lo que aconteció en ese pasado. Rafael Cruz, en su obra «En el nombre del pueblo. Rebelión y guerra en la España de 1936», publicada en 2006, analiza rigurosamente los hechos del periodo entre febrero y julio de 1936 para tratar de comprender qué estaba pasando y cómo lo interpretaron las personas que lo vivieron. Cruz ha explicado que la sociedad española vivía en los años de la IIª República, un muy poco usual fenómeno de democracia de masas, entendida como una democracia republicana vivída intensamente por una población muy bien vertebrada por una rica sociedad civil en la que existían asociaciones de todo tipo, partidos políticos y sindicatos; la sociedad española vivía un proceso continuo de modernización acelerada que venía desde mucho atrás y que sin duda estaba provocando tensiones. La proclamación pacífica de la IIª República había sido posible por la derrota política y social de la monarquía y de los grupos de poder en los que esta se habia basado. Lo significativo del caso español respecto de lo que sucedía en otros países europeos de su época, es que en España existió una importante fracción de las clases medias urbanas con una conciencia política democrática y que se aprestaba a construir un estado republicano moderno que permitiera resolver las tensiones de la modernización democráticamente, con la ley y el derecho. Las elecciones de febrero de 1936 supusieron la derrota política de la derecha antirrepublicana —existía una derecha republicana— pero sobre todo su derrota social, incluidos los sectores católicos más conservadores. El triunfo del frente popular se basó en una confluencia del movimiento obrero —reticentes sus direcciones en 1931 con la República— y la fraccion democrática de esas clases medias ya existentes con dos objetivos principales: consolidar la república desarrollando las instituciones y las leyes que ayudaran a desactivar los conflictos que podían desestabilizarla, y hacer retroceder el peligro de destruccion de la República por la tentación fascista de sectores de la derecha política. Es muy importante recordar el hecho de que en la España de 1936, el fascismo en su variente española no era en modo alguno un fenómeno de masas con capacidad para hacer un reto al estado, caso de Italia o Alemania. Para entender la naturaleza e intensidad del post-conflicto debemos conocer muy bien de donde se partia y que fue lo que ocurrió. Es dificil de comprender tal vez hoy en día, pero la España de 1936, como también la del periodo final de la monarquia, era una sociedad con unos elementos avanzados de cambio y modernidad —cultural, social, en la condición femenina— que se perdieron con la guerra y se tardarian décadas en volver a lograr. La guerra no fue un intento de volver a la situación anterior a la IIª República, sino un movimiento que buscaba destruir los procesos y realizaciones de cambio anteriores y construir una situación nueva. Este hecho explica las características del post-conflicto español.

A la batalla de los hechos se suma el desafío de la comprensión. Permítanme que establezca una distinción entre comprensión e interpretación de hechos. La interpretación histórica puede ser también un intento de traducción para el público contemporáneo de sucesos pasados, empleando términos y analogías comunes propios de la cultura contemporánea. El gran peligro a vencer en la intepretación del pasado es el «presentismo», permítanme enunciar el concepto en español, una mirada más ideológica que científica y que llevaría a intentar explicar el pasado poniendolo en función de intereses del presente, o bien emplear el pasado para justificar ideológicamente posiciones del presente. Frente a este peligro, la sociología puede ayudar a la historia aportando su tensión epistemológica, su combate cotidiano contra los prejuicios y la subjetividad en el ejercicio del trabajo científico. La sociología puede ayudar a comprender el proceso histórico, pues lo que le preocupa como disciplina es el proceso social subyacente, los actores que intervienen, los factores que enmarcan la acción, la intensidad, el alcance, las causas y los impactos, entendido todo ello como algo que forma parte de una secuencia más amplia siempre.

Se nos ha citado aquí, conviene recordarlo en este momento, para ofrecer alguna luz sobre el post-conflicto español. Hay previstas aportaciones de gran interés sobre los ecos en el Limousin del estallido español de 1936-39 y las secuelas de migraciones y exilio que llevaron a este corazón de Francia a tantos españoles, incluso familias enteras. Pero se me ha encomendado en este esfuerzo una tarea especial, y es intentar esclarecer las carácterísticas de lo que se llamó el post-conflicto español, es decir, un marco estructural en el que se dieron esas situaciones que luego se van a describir.

Permítanme que intente plantear algunas preguntas iniciales: muy particularmente la pregunta ¿A qué le llamamos el conflicto español? Y también ¿cuál fue su duración? Parece necesario si vamos a estudiar el post-conflicto, que tendremos que concretar el conflicto propiamente dicho. Hemos hecho una caracterización del proceso republicano entre febrero y julio de 1936 como un periodo de recuperación de la República y de búsqueda de su consolidación, en el cual la derecha antirrepublicana fue derrotada política y socialmente. Hay que recordar que la mayoría del electorado había votado a opciones democráticas moderadas, entendiendo como moderadas las partidarias de resolver los conflictos mediente la legalidad y la construcion institucional de un orden republicano. El fascismo era irrelevante en términos electorales, y la izquierda en posiciones militantes no tenía en su horizonte acciones antirrepublicanas en modo alguno, empleando su esfuerzo en presionar al gobierno republicano en sus medidas de contención de las provocaciones fascistas en la calle, resistir a las provocaciones callejeras y en desarrollar los planes de reforma agraria y laboral. Es decir, que en 1936, el peligro para la derecha antirrepublicana, no era el fracaso de la República, sino precisamente su consolidación. El conflicto surge aquí.

El conflicto español se produce por una huida hacia el golpe militar contra el orden republicano en una minoria bien situada en el aparato militar y en fracciones de los grupos dominantes tradicionales desplazados por el poder democrático republicano. La disparidad de fuerzas militares y la intensa movilización popular explican el desarrollo de los acontecmientos, pero honradamente no se puede afirmar que la guerra fuese inevitable. No lo fue. Los hechos son conocidos. El golpe fracasa en la mayoría del territorio, pero una intervención extranjera decisiva en los primeros días, convierte un golpe fallido en una guerra civil.

El proyecto de los golpistas se llevará a cabo militarmente y con la mayor de las violencias. Se trata de destruir no solamente el orden institucional respublicano, sino sobre todo el tejido social democrático, todas y cada una de las estructuras de participación social que implicaran apoyo o cercanía por la idea democrática, republicana, modernizadora o perteneciente al movimiento obrero.

Ante tal peligro, la sociedad española, muy vertebrada desde su base y con amplia conciencia política, se movilizó en masa, desbordándose el propio marco republicano por abajo. A destacar que la institucionalidad republicana no quedo destruida, solamente desprovista momentáneamente de sus recursos ante la fractura del ejército y las fuerzas de seguridad y obligada a reorganizar toda su estructura al tiempo que libraba una guerra.

Si la guerra es el factor clave, los objetivos de esa guerra deben ser tenidos en cuanta. La República libra la guerra en defensa propia. No necesita la guerra para llevar adelante su proyecto de modernización, es más, es precisamente el proyecto de modernización el que podía haber ayudado a desactivar multitud de conflictos sociales internos.

El conflicto español no acaba en 1939. En 1939 acaba la guerra entre dos estados, el republicano y el nuevo estado de inspiración fascista e ideología nacional-católica. Sin embargo el conflicto sigue, y ahora con especial intensidad, pues tras la derrota militar, la población española en su totalidad está sometida a la autoridad del nuevo estado.

Cuando estudiamos en la actualidad las situaciones de post-conflicto nos encontramos habitualmente con estados fallidos o que han pasado por conflictos civiles en los que se ha vivido el hundimiento institucional, la violencia generalizada protagonizada por multitud de actores.

Un post-conflicto es el periodo posterior a los enfrentamientos de mayor intensidad y en el que el peligro de un retorno al periodo de luchas abiertas es real, o en el que las secuelas y traumas de la represión, la violencia o la injusticia siguen abiertas.

¿Cuanto tiempo abarca el post-conflicto español entonces?

El conflicto español tuvo unos antecedentes en la acción conspiradora y terrorista en el invierno de 1936, su etapa más intensa entre 1936 y 1939 con el periodo de guerra abierta, y una etapa posterior en la que el plan inicial de destruccion física, moral, cultural y simbólica del enemigo se pudo llevar a cabo plenamente.

En otras palabras, el post-conflicto español es precisamente el periodo en el que la profundidad, alcance y amplitud del conflicto es más intensa y acabará por imponer sus objetivos en gran medida.

Una guerra, cualquier guerra, es un fenómeno social de especial intensidad. La guerra, alli donde prende, no deja ningún sector social al margen, no hay espacio donde estar a salvo, también las retaguardias estan implicadas. Las guerras tienen su propia dinámica, pero las guerras ideológicas, libradas para imponer o defender un modelo social o político son solo una fase para cubrir un objetivo general, el fin de la guerra no significa necesariamente la paz.

En el conflicto español encontramos las siguientes fases:

    Una fase militar

    Una fase de ocupación y resistencia

    Una fase de liquidación física del contrario y de destrucción de su identidad social y mecanismos de reproducción cultural

    Una fase de construcción de una nueva institucionalidad y de reconstrucción del tejido social sobre una nueva base ideológica.

    Una fase de consolidación, crecimiento y evolución social con la aparición de nuevos conflictos pero ya sobre la base del marco social nuevo.

    Una fase fluctuante de control policiaco, censura, y control ideológico (sque se fue adaptando a los retos).

    Una fase de crisis de superviviencia institucional que conduce a un proceso de cambio a un nuevo modelo de estado.

Hemos de recordar, llegados a este punto, que en España no se emplea la expresión post-conflicto para referirse al periodo posterior a 1939, pues, sencillamente, el conficto continua y lo hace hasta 1977-78 con todas esas fases enumeradas.

La expresión usada en España para referirse al periodo posterior a 1939 es el de post-guerra.

Estudiar el conflicto español exige estudiar en detalle cada una de esas fases. Si consideramos el conflicto a través de sus fases podremos ver cómo se prolonga en el tiempo hasta finales de los años 70, y si deseamos hacer una historia social del periodo podríamos basarnos en estudiar los efectos en la vida de las personas y de las instituciones de cada una de esas fases.

Una perspectiva sociológica no puede olvidar a las personas. Cuando en la actualidad se habla de post-conflicto la mayoría de los esfuerzos de suele dedicar al impacto en las personas y en las comunidades humanas. Pero esta línea de análisis no puede, desde luego, olvidar a los actores implicados. Evidentemente hay dos grandes tipos de actores: los personales y los institucionales, públicos o privados.

Los actores personales son tanto las personas individuales como las familias y grupos sociales.

Los actores institucionales son tanto los estados y sus estructuras, como las entidades asociativas con vida propia y que juegan un papel politico, sindical, cultural, es decir, partidos, sindicatos, etc.

Debemos reconocer que en muchas de las aproximaciones al post-conficto español tradicionalmente se ha dedicado mucha atención a las grandes políticas, a los estados, partidos, organizaciones.

Pero ¿Y las personas sencillas? ¿Donde quedan las personas, las familias que se vieron arrastradas por procesos colectivos sin poder evitarlo? No comparto la opinión de Tolstoi en Guerra y Paz, cuando afirma en su presentación que no se puede contar la historia desde las vidas de la gente del pueblo. La historia del post-conflicto es fundamentalmente la historia de cómo las personas encajaron en sus vidas estos grandes procesos; sencillamente, aquel abril de 1931, un pueblo entero lleno de ilusión saludó al futuro, lleno de confianza en sí mismo y con un real sentimiento de fraternidad. La catástrofe posterior afectó terriblemente la vida de todos y cada uno de los españoles y condicionó el futuro hasta el presente. En la España de 2016, nos encontramos todavía tratando de encontrar respuestas, de aliviar el dolor, de ayudar a muchas familias que buscan noticia de los suyos. Han pasado tres generaciones y todavía no se ha cerrado esta página. Vistas las características del conflicto español que condicionó todo el siglo XX y las fases prolongadas que atravesó, no resulta extraño que la España democrática actual tenga todavía tareas pendientes.

En estas Jornadas, Naranjo, Leger y Catalán nos muestran su trabajo en favor del conocimiento, pero también del reconocimiento de las vidas de personas y familias a quienes el conflicto les arrastró hasta estas tierras limousinas. Es una aportación necesaria y de gran valor.

Yo quisiera acabar esta presentacion dando las gracias de nuevo a la Universidad de Limoges, agradezco a nuestro anfitrión sr. Bertrand Westphal por esta oportunidad para dirigirme a ustedes y muy particularmente a la Dra. Rocío González Naranjo por haber organizado este seminario tan pertinente.

Quedo a su disposición

Muchas Gracias.
Prof. Dr. Pedro A. García Bilbao

pedro.garcia.bilbao@urjc.es
Fuente: Sociología crítica
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